PRISE DE CONSCIENCE
C'est comme ça!
Finalement si peu intéressante! Elle était belle
pourtant. Elle me souriait. Elle avait tout pour elle, on avait tout
pour nous. Il ne fallait pas qu'elle fasse cela. Elle ne devait pas
dire ça! Dire NON! Me dire NON! On ne m'a jamais dit non! Et les rares
fois où ça m'est arrivé, je n'ai pas pu résister à cette envie. Vous
savez cette envie furieuse incontrôlable. Celle où de simples gens
lancent une assiette contre un mur ou bien raccroche au téléphone. Je
n'ai pas les mêmes envies que les simples gens. Je ne suis pas tout le
monde. J'en ai bien conscience.
Les simples gens ne s'en rendent
pas compte. Il paraît que je devrais être suivi psychiatriquement. En
tout cas, c'est ce qu'est en train de dire le juge. Oui le juge! Celui
de mon procès. Mon procès pour l'avoir puni. Puni celle qui m'a dit
non. Ce n'est pas la première fois pourtant. Une erreur de ma part que
d'avoir cru en elle. Ce doit être une erreur parce qu'ils ne peuvent
pas être assez malins pour me comprendre!
"Qui?"
"Ben les simples gens! Vous ne suivez donc rien? Vous ne comprenez rien? C'est bien ce que je disais ... pas assez malins!"
Il n'y a vraiment que moi pour me comprendre.
Je
ne lui avais pas demandé grand chose à cette simple fille. Simplement
de tuer pour moi. Elle prétendait m'aimer, je lui ai seulement demandé
de me prouver son amour en assassinant quelqu'un en guise de bonne foi.
Après tout, c'est une preuve d'amour comme une autre. Les simples gens
offrent des fleurs, des bijoux, des dîners au restaurant... Quoi de
plus banal!
Ce que je ne comprend pas dans l'esprit des simples
gens, c'est pourquoi ils s'imposent autant de limites, pourquoi ils
n'aiment pas braver l'interdit. Je ne lui imposais pas la personne à
tuer ; je lui laissais le choix. N'importe lequel de ces simples gens
m'aurait satisfait.
"Vous auriez tuer pour moi si je vous l'avez demandé?"
"Je ne pense pas."
Enfin un, qui me répond de façon plutôt rapide, je dois dire. Peut être plus malin qu'il en a l'air. Peut être devrais-je m'en méfier. Oh, et puis non, il a l'air si bête en réalité.
Je revois cette jeune
femme. Elle était belle, très belle. L'allure d'un mannequin, le quotient intellectuel d'une
courge, mais elle était belle. Tout pour me plaire. Jeune femme sans
défense qui demandait à être dominée. Je l'ai compris tout de suite, au
premier regard jeté sur moi.
Je l'ai tué avec un simple couteau de cuisine. Ça ne résiste à rien ces jeunes femmes frêles. Pas même à un coup de couteau.
"Combien?"
"En
toute honnêteté, 18 coups. D'accord. Je l'admets, il est normal qu'elle
est succombé à cette magnifique lame de 13 centimètres. J'avoue mes
tords. Mais quand même ...."
Elle gît dans un océan rouge carmin. Elle est magnifique. Sa blondeur et sa peau si fraîche, fragile, blanche... Quelle douceur paradisiaque de la voir, ici, à mes côtés! Même morte, elle garde tout son charme de simple gens.
"Qu'allez-vous en faire?"
"Je ne sais pas encore!"
Déjà
attendre la nuit. Je serais plus discret et je passerais inaperçu. De
toute façon, je vis en périphérie de la Grande Ville. Quoi que je
fasse, je passe inaperçu. Les simples gens ne remarquent pas les hommes
non-ordinaires .
Les simples gens constatent l'inutile, la routine et se félicitent
d'avoir découvert la faille inutile et inexistante dans leur routine.
Je
les trouve drôle. Ils sont amusants quand je les regarde faire. Ils
sont pour moi comme des singes dans un zoo. Je devrais leur jeter des
cacahouètes pour voir leur réaction. Non, les simples gens n'ont pas
d'humour. En tout cas, leur humour est restreint. Il ne rit que des
autres mais n'aiment pas qu'on rit d'eux. Curieux contraste! Je ne les
comprends pas.
"Aimeriez-vous que l'on rit de vous?"
"On ne rit jamais de moi. C'est impensable!"
Quoiqu'il en soit, les simples gens restent bornés. Incapacité à évoluer intellectuellement.
"Le pensez-vous vraiment?"
"Bien sur quelle question!"
Quand
prendront-ils conscience de leur intellect affaibli? Cette question
demeure un grand mystère pour moi. Un mystère insoluble. Je ris de
moi-même. Je me trouve amusant. Se poser cette question maintenant
alors qu'elle est là. Là à attendre que je m'occupe d'elle, savoir où
je vais l'enterrer.
Je ne veux pas qu'on la trouve, que quelqu'un
d'autre partage l'envie de l'admirer si belle sous terre. Personne n'a
le droit aux mêmes privilèges que moi. Je ne suis pas un simple gens.
Je la regarde une dernière fois. Elle est si belle... Je me regarde dans un miroir et je me dis que ...
"Que vous dites vous?"
"J'ai peur!"
"Vous avez peur!?!"
"C'est bien ce que j'ai dit! J'ai peur..."
Je prends alors conscience que ce couteau de cuisine pourrait me faire autant d'effet à moi qu'à elle. Tout droit dans mon coeur. Je m'éffondre. Je reste là à attendre. Attendre de voir si je résiste à un seul coup. Je ne résiste pas.
Le lendemain à la rubrique faits divers, nous pouvons lire : "Suicide d'un jeune homme d'une trentaine d'années, après avoir tué de 18 coups de couteau sa compagne..."
C'est un simple gens qui a écrit cela. Il me voit comme tel : Je suis un simple gens qui est maintenant sorti de sa routine.